Le Deuil en Thérapie Familiale : Quand la Parole Relie et Apaise
Il y a des silences qui pèsent plus que les mots. Après un décès, la douleur s'infiltre dans la maison, dans les gestes du quotidien, dans les regards échangés (ou évités). Parfois, on ne sait plus comment se parler, comment exister ensemble après l'absence. C'est là que la thérapie familiale systémique trouve tout son sens : non pas pour "faire son deuil" (comme si c'était un objectif à atteindre !), mais pour remettre du lien là où le choc a figé les choses.
Un Séisme Émotionnel qui Ébranle Tout un Système
Quand une famille traverse un deuil brutal, elle est comme une maison dont une pièce aurait disparu du jour au lendemain. On essaye de continuer à vivre dedans, mais les repères sont bouleversés. Certains vont s'accrocher aux souvenirs, d'autres préféreront ne pas en parler pour "protéger" les leurs. Chacun trouve sa stratégie pour survivre à l'absence.
Mais quand ces stratégies s'opposent ? Quand un enfant ressent le silence comme une exclusion ? Quand un parent se noie dans l'organisation pour éviter de s'effondrer ? C'est ici que le travail en thérapie systémique devient précieux. Il ne s'agit pas de dire comment "bien faire son deuil" (comme s'il y avait un mode d'emploi !), mais d'accueillir ce que chacun vit, avec ses mots, ses ressentis, sans jugement.
Quand les Mots Manquent, le Corps Parle
Souvent, les familles viennent en consultation parce qu'il y a "quelque chose qui ne va pas" :
- Un ado qui s'isole, qui se met en colère sans raison apparente.
- Un enfant qui devient agité à l'école, ou au contraire, qui ne parle plus.
- Un parent qui sent qu'il "perd pied" mais qui tient bon pour tout le monde.
Le deuil ne s'exprime pas toujours par des pleurs ou des mots. Il se loge dans les tensions, les comportements, les malaises. Et c'est en remettant de la parole sur ce qui est tu que l'on peut, petit à petit, redonner à chacun sa place et alléger la charge émotionnelle.
Accueillir Toutes les Façons de Vivre l'Absence
En thérapie familiale, l'un des enjeux est de permettre à chaque membre de dire ce qu'il ressent, sans comparaison, sans "il faut" ou "tu devrais". Car il n'y a pas de bonne ou de mauvaise manière de réagir face au deuil. Certains auront besoin de parler souvent du défunt, d'autres trouveront du réconfort dans des souvenirs plus discrets.
Et parfois, il y a des non-dits plus lourds que la tristesse elle-même :
- "Je ne pleure pas, donc on croit que je n'ai pas mal."
- "Je veux en parler, mais j'ai peur de faire souffrir les autres."
- "J'ai encore de la colère en moi, mais j'ai honte de le dire."
La thérapie systémique offre un espace où tout cela peut être déposé, sans craindre de blesser ou d'être incompris.
Retisser du Lien, Redonner du Mouvement
Le travail ne consiste pas à "accepter" la perte (ce mot est bien trop souvent mal compris), mais à permettre à la famille de continuer à vivre, autrement. Il ne s'agit pas d'oublier, ni de remplacer, mais de réapprendre à être ensemble, en intégrant l'absence dans l'histoire familiale.
Parfois, cela passe par :
- Remettre en place des rituels familiaux, adaptés à la nouvelle réalité.
- Trouver des moyens symboliques pour honorer la mémoire du défunt, ensemble.
- Permettre à chacun d'exprimer ce qu'il ressent, avec ses propres mots et son propre rythme.
Parce que si la perte est individuelle, le soutien peut être collectif.
Et Après ?
Le deuil ne suit pas de calendrier, pas plus qu'il ne se règle en une consultation. Ce qui compte, c'est de permettre aux familles de retrouver une dynamique où l'on peut à nouveau se parler, se comprendre, et avancer, chacun à son rythme.
Il ne s'agit pas de "tourner la page", mais d'écrire la suite, ensemble.